Marche depuis Darcha, en Himachal Pradesh, jusque Padum au Zanskar…
Jour 1, on prend une jeep au petit matin en partant depuis Manali jusqu’à Darcha, en gros. On fait des provisions. On monte en altitude. C’est magnifique. J’ai une légère pointe à la tête, puis deux ou trois, quand on se met à marcher depuis Darcha, épuisée par le récent manque de sommeil accumulé des derniers jours.
Un couple avec un bébé radieux nous prend en stop. Ils nous parlent à peine, ils font juste leur devoir de citoyen. De par leur attitude complétement désintéressée quand à notre nationalité ou autre, je me sens déjà dans une toute autre Inde que celle dans laquelle j’ai passée l’année. Bienvenue chez les bouddhistes, en route pour StupaLand…. Airs du Tibet. Le couple parque la bagnole, et je demande « en fait, euuh, pardon madame, vous savez s’il y a une guest house dans ce village de 4 maisons et demi ? Parce qu’en fait on sait pas trop où passer la nuit, là… » Bon, c’est pas tout à fait vrai. On a une tente et la masse de bouffe. Mais j’ai froid et je suis fatiguée (non non, je ne geins pas!)
Je vous raconte pas l’hospitalité à laquelle on a eu droit, la plus belle de tout le trek. Faut dire que c’est pas touristique, comme village, et bon je crois qu’on a une bonne bouille, et parler hindi ça aide à se faire aimer rapidement. Ils nous ont installés dans une pièce, et nous ont servi thé, biscuits, jus, dîner, tout ça en nous fichant une paix royale, tout seuls la plupart du temps. Et quand ils sont venus nous parler avant d’aller se coucher, ils étaient tellement gentils et polis. En fait on a pas vraiment eu l’impression de déranger, ce qui est dingue si vous réalisez qu’on est chez des inconnus, que c’est pas du tout un hôtel mais bien leur salon/chambre.
Le matin en partant, on refuse poliment le petit déj, malgré qu’il insistent.
Mais attendez, laissez moi vous dire deux mots à propos de l’hospitalité des gens des montagnes Laddakh-Zanskar, parce que c’est beau et tordu à la fois. Si tu veux être poli, le principe de base c’est que quand on te propose quelque chose à manger ou à boire, disons du thé par exemple, tu dois refuser deux fois, puis à la troisième fois tu peux accepter. Puis on te sert, et tu dois taper la causette sans toucher à ta tasse, jusqu’à ce que ton hôte te dise « bois bois », et là tu peux boire… (Si ton hôte est distrait pas de bol, tu bois ton thé froid). Voilà, et donc tout ce tralala pour permettre à ton hôte d’être encore plus hospitalier. A la fois c’est beau, car ils sont vraiment super généreux, et ils vont d’office continuer à remplir ta tasse jusqu’à ce que tu ne puisses plus boire, et à la fois c’est vraiment tiré par les tifs et ça manque de simplicité tout ça, et du coup parfois on se sent pas vraiment à l’aise devant tant de maniérisme, on a toujours peur de mal faire, et il y a aussi tout une hiérarchie d’honneur et de respect par rapport aux tasses de thé, plus t’es important plus t’as une belle tasse…
Revenons à nos moutons. On est en bas déjà sorti de la maison, après le refus poli du petit déj, et on échange de chaleureux au revoir avec la superbe grand-mère qui parle pas du tout anglais et pratiquement pas d’hindi (mais on comprend quand même quelques trucs, entre autre qu’on est fous de partir le ventre vide), et on commence à monter la montagnes, 7h30, en avant, objectif le Zanskar. On a monté 200 mètres et on entend de grands cris en bas, à la hauteur de la maison qu’on a quitté. C’est la mamy qui court vers nous en hurlant et en montant la pente (!!). En fait on avait laissé un peu de sous dans le salon sous une tasse de thé, comme c’est la coutume aussi (de pas donner en main propre), et ça l’a complètement indignée, et court pour rendre les sous, elle dit qu’on est son fils et sa fille, c’est pas 5 chapatis et trois légumes qui vont la ruiner quand même, non mais POURQUOI avoir laisser des sous vous êtes fous ? Allez en paix les enfants et reprenez vos sous. Sourires jusqu’aux oreilles, y’a quand même des gens beauuuuux…
Le soir même on marche jusqu’à près de 4000 mètres d’altitude après Zanskar Sumda, on plante la tente près d’une rivière. On a eu mal à respirer pendant la première moitié de la nuit…
Jour 2. Le matin ça va, tant que je bouge pas trop. On chope un camion, sûrement le seul à passer par là de la journée, vu comme l’endroit est désert, ce sont des travailleurs qui partent refaire la route… La chance, ils nous avancent de 4 ou 5 kilomètres. Et là on marche, marche, marche, sous la neige, dans le froid. Dur de respirer. Ça monte, et le mal de tête s’installe. On a sans doute grimpé en hauteur un peu trop vite. Je rentre dans une espèce de délire, avec la douleur et la tête qui tourne, mais pas vraiment le choix de rebrousser chemin, alors on continue de monter, pour finalement arriver jusqu’au sommet Shingala, + de 5000m, tout ça avec des vieilles Paladiums (pataugaz?) en toile trouée et bien sûr trempée, un flot continu de neige, et mes règles, hahaha… Sans paniquer, car apparemment tant-qu’on-a-pas-envie-de-gerber-ça-va, on met un pied après l’autre pour redescendre et arriver près de 4400m peut être, vers 19h, épuisés, avec l’impression d’avoir le cerveau gonflé et la tête super chaude car dans la foulée, zut-j’ai-oublié-de-mettre-de-la-crème-solaire-dans-la-neige-et-j’ai-un-GROS-coup-de-soleil-dans-la-tronche (et la chiasse par dessus tout évidemment). Vous l’aurez compris c’était une belle journée et une merveilleuse nuit.
A part ça c’était vraiment magnifique, vraiment, et ne vous en faites pas, je ne vais pas vous raconter les 5 jours de treks en détails comme ça. Mais simplement que…
– Le ciel étoilé ici est le plus magnifique que j’ai pu voir, vu l’absence totale d’éclairage artificiels.
– Que dormir dehors c’est génial, pourquoi je le fais pas plus souvent ?
– Qu’il faut respecter les paliers quand on monte en altitude, je le sais maintenant c’est pas une blague 🙂
– Qu’il y a une grosse inondation violente vers mars, qui a détruit 17 ponts et quelques bâtiments qui étaient près de l’eau. Ce qui nous a amené à traverser LE-pont-le-plus-branlant-et-flippant-du-monde (vous l’aurez compris j’adore les tirets), super long, suspendu à 15 ou 20 mètres au dessus d’une rivière déchaînée avec un vent lui aussi déchaîné. Grosse montée d’adrénaline.
– En traversant une grande zone musulmane, ça me fait bizarre de voir des petites filles de deux ou trois ans avec le foulard. Enfin, on ne juge pas…
– Au Zanskar les grands ont la vie dure, beaucoup de maisons sont miiiiinuscules… maisons de poupées.
– Que partir traverser les plus magnifiques paysages du monde avec un appareil photo déchargé sans chargeur, c’est bien joué, vraiment… Pfff… Merci Google Images.
– On fait une halte à Phuktal. C’est magique. Monastère de 2000 ans encastré dans la montagne sous une grotte. Adorables petits moines surexcités qui courent dans les escaliers. ( Lien wikipedia ici.)
– Que l’hospitalité des mecs de l’armée c’est vraiment pas mal non plus. Adorables, je m’y attendais pas ! Merci à toutes ces belles personnes.
– Au Zanskar il y a que des toilettes sèches, c’est super, ça a tellement plus de sens que cette drôle de manie qu’on a de chier dans l’eau potable.
– Que marcher en silence c’est vraiment une méditation géniale, quand on se rappelle d’essayer encore et encore d’habiter son corps… Un pas après l’autre, marcher c’est avancer à notre mesure d’Homme, c’est humble, et puis on se sent vivre. Enfin surtout moi car franchement marcher 8 à 10 heures par jour ça m’a bien lessivé. Je crois que 6h ça me suffira pour la prochaine fois.
Au Zanskar on arrive à Padum, la capitale, guidé par une petite étoile, et puis trop de bol on chope une bagnole qui nous amène à destination, le couvent de Skyagam, après la tombée de la nuit. L’hospitalité des nonnes bouddhistes, c’est l’hospitalité des gens du Zanskar multipliée par 100. Elles sont trop mimi, et ne nous laissent pas une minute sans manger. C’est même un vrai combat pour arriver à ne pas manger c’en est même trop. Je reste trois jours, dont le jour de l’anniversaire du Dalai Lama, et un mariage, pour ensuite déguster 19h de jeep dans un des plus beaux paysages du monde. Je vois pleins de grosses marmottes pour mon plus grand bonheur, c’est trop chou.
Et la plus choute de toute c’est mon amie Yeshe, plus vue depuis un an, que je retrouve à Manali pour une petite semaine ! Oh joie !
Que de longues heures passées en transport jeep bus train puis avion, pour ces deux dernières semaines en Inde… Après 19H Padum-Leh, 17h Leh-Manali, 12h Manali-Delhi, 16h Delhi Varanasi, 16h Varanasi Delhi, et enfin une dizaine d’heures d’avion pour Bruxelles…
P.s. Belgique jour J-11. A bientôt !
Magnifique ! Merci fanny pour ce magnifique partage, plein de fraîcheur et de joie de vivre…avec une petite pointe d’envie de ma part 😉
Citation d’Atisha, moine indien qui a introduit le bouddhisme au Thibet :
« The greatest achievement is selflessness.
The greatest worth is self-mastery.
The greatest quality is seeking to serve others.
The greatest precept is continual awareness.
The greatest medicine is the emptiness of everything.
The greatest action is not conforming with the worlds ways.
The greatest magic is transmuting the passions.
The greatest generosity is non-attachment.
The greatest goodness is a peaceful mind.
The greatest patience is humility.
The greatest effort is not concerned with results.
The greatest meditation is a mind that lets go.
The greatest wisdom is seeing through appearances. »